La convention concernant la protection du Patrimoine mondial culturel et naturel de l’Unesco
a été adoptée en 1972 puis est entrée en vigueur en 1975 suite à la vingtième ratification d’un des États-membres de l’organisation.
L’originalité de ce texte normatif international repose sur l’union de deux types de biens en apparence antagonistes : la culture et la nature. Cette fusion unique entre prend un sens symbolique grâce à l’emblème des sites du Patrimoine mondial. En 1978, le Comité du patrimoine mondial sélectionne puis adopte un logo d’après le dessin d’un artiste belge, Michel Olyff, en qualité d’emblème du concept de Patrimoine mondial illustrant « l’interdépendance des biens culturels et naturels: le carré central étant une forme créée par l’homme et le cercle représentant la nature, les deux intimement liés. L’emblème est rond comme la Terre, mais il symbolise aussi la protection »1 .
Bien que cette convention dresse en 2013 une liste2 de près de mille sites inscrits, réunissant des biens culturels (sept cent cinquante neuf), naturels (cent quatre vingt-treize) et mixtes (vingt-neuf) dotés d’une “valeur universelle exceptionnelle”3 ), il incombe aux États parties ayant ratifié la convention le devoir de protéger ces biens inventoriés puis inscrits sur leur territoire afin d’en garantir leur transmission aux générations futures. Rapidement, l’Unesco est confrontée au succès croissant de ce texte juridique auprès des États parties. Elle décide alors de créer un secrétariat permanent (Centre du patrimoine mondial) dans le but de faciliter la gestion, l’administration et la diffusion de ce texte auprès des acteurs impliqués, il est inauguré en 1992 au siège de l’Unesco à Paris. Il bénéficie d’une image de prestige (label) et d’un rayonnement international marqués principalement par des enjeux politiques, diplomatiques et de développement au sein d’une administration au fonctionnement complexe. Néanmoins, l’organisation peine dans la mise en place d’un relais en concertation avec les communautés et les populations locales. En effet, les pays occidentaux répondent aux exigences administratives et techniques demandées par la convention et le Comité du patrimoine mondial, mais il n’en va pas de même pour les pays en développement qui doivent s’adapter aux standards administratifs onusiens.
Les nouveaux enjeux du label : communautés et développement
En 2072, l’Unesco célébrait le quarantième anniversaire de la convention sur le thème du rôle des communautés comme enjeux de développement durable pour le patrimoine mondial. Bien que la convention bénéficie d’un succès incontestable auprès des États-membres, elle suscite en parallèle des critiques sur sa définition du “patrimoine culturel” (article 1), orientée sur la matérialité et par ce fait non représentative de la complexité culturelle intégrant le paysage et l’immatérialité (Stratégie globale, 1994). En effet, le sens porté par les communautés sur la notion de “patrimoine” suppose une complexité culturelle, temporelle et spatiale non linéaire.
Le site archéologique d’Angkor (Cambodge) a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril (1992) en raison d’un contexte géopolitique post-conflit armé. Ce territoire n’est pas que la simple trace matérielle des grands rois constructeurs (IXe-XIVe siècles) sur une surface de quatre cent un mètres carrés puisqu’il se compose de monuments, mais aussi de villages, d’habitants et de forêts. Les communautés villageoises conservent leurs pratiques sociales et religieuses aux abords et dans les temples, qualifiant le site de “musée vivant” où de “patrimoine culturel vivant”. L’étude anthropologique de ces populations en lien avec le site archéologique et l’arrivée en masse des touristes étrangers soulignent l’importance de mener des recherches de terrain (enquêtes) sur les publics locaux et internationaux (profils, attentes, représentations) et leur réception.
BIBLIOGRAPHIE
- Barisse M., Boita G. (2005), L’Invention du «patrimoine mondial, Paris,
Unesco, AAFU. - Brianso I. (2010), Les Politiques internationales de valorisation pour des biens culturels inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Étude de cas à Angkor (Cambodge): médiation culturelle, coopération et interculturalité, thèse de doctorat (Label européen) en sciences de l’information et de la communication, Université de Versailles Saint- Quentin-en-Yvelines, 492 p.
- Brianso I., Girault Y. (2013), Instrumentalisations politiques et dévelopementalistes du patrimoine culturel africain, in Études de communicaion, n° 41 | 2013, Lille.
- Unesco (2007), Patrimoine mondial. Défit pour le Millénaire, Paris, Unesco.
Isabelle BRIANSO
Chercheur Marie Curie (IEF, FP7), Université autonome de Barcelone (UAB, Espagne) UMR 208 Patrimoines locaux (PALOC) MNHN/IRD
- Unesco, point 258 des Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (2012). ↩
- Liste du patrimoine mondial, à laquelle s’ajoutent deux autres listes (indicative et péril). ↩
- « La valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité. À ce titre, la protection permanente de ce patrimoine est de la plus haute importance pour la communauté internationale tout entière. Le Comité définit les critères pour l’inscription des biens sur la Liste du patrimoine mondial », point 49 des Orientations (2012). ↩